« Devisant de choses et d'autres, par un sentier bordé d'hyèbles et d'aubépines, où déjà la Cétoine dorée s'enivrait
d'amères senteurs sur les corymbes épanouis, on allait voir si le Scarabée sacré avait fait sa première apparition au plateau sablonneux des Angles, et roulait
sa pilule de bouse, image du monde pour la vieille Égypte ; on allait s'informer si les eaux vives de la base de la colline n'abritaient point, sous leur tapis de lentilles aquatiques,
de jeunes Tritons, dont les branchies ressemblent à de menus rameaux de corail ; si l'Épinoche, l'élégant petit poisson des ruisselets, avait mis sa cravatte de
noces, azur et pourpre ; si, de son aile aigüe, l'Hirondelle, nouvellement arrivée, effleurait la prairie, pourchassant les Tipules, qui sèment leurs œufs en dansant ;
si, sur le seuil d'un terrier creusé dans le grès, le Lézard ocellé étalait au soleil sa croupe constellée de taches bleues ; si la Mouette rieuse,
venue de la mer à la suite des légions de poissons qui remontent le Rhône pour frayer dans les eaux, planait par bandes sur le fleuve en jetant par intervalles son cri
pareil à l'éclat de rire d'un maniaque ; si... mais tenons-nous en là ; pour abréger, disons que, gens simples et naïfs, prenant un vif plaisir à vivre
avec les bêtes, nous allions passer une matinée à la fête ineffable du réveil de la vie au printemps. »
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